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BIOGRAPHIE DE L'ABBE GREGOIRE

 

GREGOIRE (Henri), constituant, conventionnel, montagnard, évêque constitutionnel de Blois, érudit, membre de l’Institut né à Vého près de Lunéville, le 4 décembre 1750

 

             Issu d’une famille pauvre, il entra dans les ordres, devint professeur ou collège de Pont-à-Mousson et fut couronné en 1779 par l’Académie de Nancy, pour un Eloge de la poésie. Nomme cure d'Embermesnil, il continua avec passion ses études, fit quelques voyages, de 1784 à 1787 et composa l'année suivante un Essai sur la régénération physique et morale des Juifs, qui lui valut nue nouvelle palme académique à Metz. Dans cet ouvrage remarquable il plaidait avec chaleur la cause de cette race si longtemps proscrite et réclamait pour elle l'égalité civile. Renommé dans le clergé lorrain pour son savoir, sa philanthropie et son libéralisme, il fut élu député de son ordre aux états généraux de 1789. Dès les premières opérations de l’Assemblée, il s'efforça d’entraîner dans le parti des grandes réformes ses collègues ecclésiastiques et de les amener à s'unir avec le tiers état. Il eut ainsi beaucoup de part à la réunion des trais ordres, assista à la mémorable séance du Jeu de paume, où sa présence, ainsi que celle du pasteur Rabaut-Saint-Etienne a fourni à David un épisode Ingénieux de son admirable esquisse. Nommé l’un des secrétaires de l'Assemblée, il se joignit constamment à la partie la plus démocratique de ce corps, fit le premier la motion formelle d'abolir le droit d’aînesse, combattit le cens du marc d'argent et généralement tous les privilèges, parla et vota contre le veto absolu, plaida chaleureusement la cause des Israélites et des hommes de couleur, fit une adhésion sans réserve à la constitution civile du la clergé et parvint, par son exemple et par ses écrits, à entraîner un grand nombre d’ecclésiastiques hésitants. Ce fut là surtout, on ne l’ignore point, l'acte de sa vie qui souleva contre lui ces amers ressentiments qui l'ont poursuivi jusqu'au tombeau. Deux départements à la fois le choisirent pour leur évêque la Sarthe et le Loir et Cher (1791). Il opta pour ce dernier, qui l’élut aussi député à la Convention nationale. Dans l’intervalle c’est à dire pendant la session de l’Assemblée législative, il avait donné tous ses soins à son diocèse, également zélé pour la religion et pour la liberté ; car, et c’est là un des traits originaux de son caractère, on sait qu’il à la fois révolutionnaire et chrétien très ardent.

Des la premiers séanca de la Convention il monta à la tribune pour développer la motion de 1’abolition de la royauté faite par Collot d’Herbois. On a sur tout retenu de son discours ces paroles mémorables qui sont dans les toutes les mémoires : " les rois sont dans 1’ordre morale ce que sont les monstres dans l’ordre physique ; les cours sont l’atelier du crime le foyer de la corruption ; l’histoire des rois est le martyrologe des nations". C'est sur sa rédaction que fut rendu le décret d'abolition de la royauté. Cette décision lui causa un tel enthousiasme, que pendant plusieurs jours, ce comme il le déclare lui-même dans ses Mémoires, l’excès de la joie lui ôta l'appétit et le sommeil.

         Sur la proposition, l'Assemblée rendit un décret par lequel la France républicaine promettait aide et secours aux peuples qui voulaient recouvrer leur indépendance. Il occupait le fauteuil de la présidence lorsque des délégués de la Savoie se présentèrent pour le demander la réunion de la Savoie à la République. Ce fut pour lui l’occasion d’esquisser le programme de la politique révolutionnaire à 1’égard des autres peuples. Chargé du rapport il conclut à la réunion, suivant le voeu librement exprimé des Savoisiens. Apres avoir sanctionné ces conclusions, la Convention envoya Grégoire avec trois autres, pour organiser le nouveau département. C'est pendant cette mission qu'eut lieu le procès de Louis XVI. Grégaires s’était, à plusieurs reprises, prononcé pour la culpabilité, mais la sévérité de ses convictions chrétiennes, il ne se croyait pas le droit de répandre le sang. Plus tard, sous la Restauration on l'a accusé d'avoir voté la mort. Rien n’est plus faux. Voici l'histoire de son vote, tant controversé. Il était à Chambéry avec ses lit collègues Héraut-Séchelles, Jagat et Simon, lesquels rédigèrent un projet de lettre à Assemblée contenant leur vote pour la condamnation à mort. Grégoire déclara qu'opposé sur le principe à la peine capitale il ne pourrait signer cette lettre, si les deux mots à mort n'en étaient effacés. Ses collègues finirent par consentir à cette radiation, et la lettre et fut envoyée ainsi à la Convention. Elle existe encore aux Archives nationales, et la phrase principale est ainsi libellée : " Nous déclarons donc que notre voeu est pour la condamnation de Louis Capet par la Convention nationale, sans appel au peuple. " D'un autre côté, on peut consulter les appels nominaux, et l'on verra que les noms des quatre signataires ne furent point comptés parmi les votes pour la peine capitale.

          Jamais d'ailleurs Grégoire, quelque importance qu'il attachât à prouver qu'il n'avait point participé à l'arrêt fatal, n’exprima le plus léger blâme sur la conduits de ceux de ses collègues qui jugèrent utile de donner à l’Europe un grand exemple de sévérité nationale.. Quant à lui, il s'était prononcé formellement à la tribune pour 1’abolition de la peine de mort, voulant que Louis fût appelé le premier à jouir du bienfait de cette loi philanthropique et qu'il fût condamné à l'existence, afin que l’horreur de ses forfaits l'assiégeât sans cesse et le poursuivît dans le silence des nuits. " Nous rapporterons ici une anecdote parfaitement authentique, et qui montre, avec beaucoup d'autres faits de cette nature, quelle était la conduite de ces représentants en mission que la réaction a si odieusement calomniés. A son retour, Grégoire rapporta dans le coin de son mouchoir et versa au trésor une somme qu'il avait économisée sur ses frais de voyage. Dans le comté de Nice, il soupait avec deux oranges, naïvement enchanté que son souper ne coûtât que deux sous à la République. Rentré dans la Convention, après six mois d'absence, il fut adjoint au comité d'instruction publique, où il rendit les plus grands services par son savoir, son patriotisme et son activité. Sur sa proposition la Convention chargea ce comité de recueillir, sous le titre d’Annales du civismes, les traits de vertu qui avaient illustré la Révolution. Ce fut aussi lui qui eut la première idée d'une sorte de confédération littéraire et morale entre les écrivains et les savants de tous les pays.

        Le 8 août 1793, il proposa et fit décider la suppression des Académies et leur réorganisation sur un plan nouveau. Il fut ainsi l'un des fondateurs de l'Institut, du Conservatoire des arts et métiers et du Bureau des longitudes.

        Il montra aussi un grand zèle pour sauver de la destruction les monuments des arts et fit sur cet objet trois rapports pleins d’intérêt et qui sont un témoignage caractéristique de la sollicitude de ces prétendus Vandales pour les productions du genre. L éducation publique trouva en lui un infatigable propagateur, il proposa et fit adopter d’excellentes mesures pour la multiplication des bibliothèques l’extinction des patois locaux la rédaction de bons livres élémentaires, 1’établissemont de maisons modèles d’économie rurale de jardins botaniques, etc . Dès le début de la Révolution il avait été l’un des membres les plus actifs de la Société des amis des noirs. En juillet 1793, il obtint de l’Assemblée la suppression de la prime accordée pour la traite des nègres, et enfin, en février 1794, l’abolition complète de l'esclavage colonial, qui, plus tard, fut rétabli par Napoléon.

          Cependant, malgré la haine que lui ont vouée les catholiques officiels, et qui ne s'est jamais attiédie, Grégoire était resté sincèrement chrétien. Il était janséniste et gallican. Ses opinions religieuses l'égarèrent plus d’une fois. C'est ainsi qu'il avait contre les philosophes on général, et contre Voltaire un particulier un vieux fonds d animosité qui éclatait fréquemment au dehors. Il était, il est toujours resté prêtre catholique. En novembre 1793 lors des grands mouvements antireligieux, il manifesta son apposition, et, quand Gobel et tous les ecclésiastiques de 1’Assembles résignèrent leurs fonctions sacerdotales il refusa de les imiter Au moment de la plus grands impopularité du catholicisme, il ne fit pas une concession, et on le vit siéger à la Montagne et présider la Convention en habit violet.

          Apres la session, il fut élu membre du conseil des Cinq Cents où d’ailleurs il ne joua pas un rôle bien important. Il parait avoir accepte avec assez de facilité le coup d'Etat du 18 brumaire.

            Appelé au nouveau Corps législatif, puis ou Sénat (1801), il se montra défavorable au concordat, après la conclusion duquel il donna sa démission d’évêque. Il vota contre 1’établissement du gouvernement impérial combattit, seul dans le Sénat, la restauration des titres nobiliaires, ce qui ne l’empêcha point cependant d accepter dans la suite le titre de comte. Mais s'il plia comme tant d'antres sous une destinée plus forte que les événements et les hommes, il resta néanmoins un des membres de cette petite opposition sénatoriale si désagréable à Napoléon. Il s'opposa notamment au divorce et à d autres actes du nouveau régime. Sentant d’ailleurs son impuissance, et sans doute découragé par tant d'événements, il se réfugia de plus en plus dans l’étude et les compositions littéraires. En 1814, il eut part au projet de déchéance et fut ou des premiers à le voter. Dès lors il demeura à l'écart et vit passer du fond de sa retraite la première Restauration, les Cent-Jours et le rétablissement définitif des Bourbons. Toutefois, il ne resta pas inactif et soutint dans divers écrits et brochures une lutte fort vive contre les ultraroyalistes et les ultramontains. En 1819, le département de l’Isère l’élut à la Chambre des députés. Cette élection fut le signal d un déchaînement inouï de passions contre-révolutionnaires ; on y voulut voir une sorte de défi jeté à la monarchie et elle eut un retentissement immense. Grégoire fut accablé d’outrages par les journaux de la faction en dépit des faits les mieux établis on continuait à 1’accuser d’avoir voté la mort de Louis XVI. Ses réponses dans les journaux étaient mutilés par la censure, ses lettres décachetées à la poste Mais cette tempête ne le troublait point et malgré tout ce septuagénaire qui d’ailleurs avait traversé d’un front calme tous les orages de la Révolution demeurait inébranlable. Dans une lettre au duc de Richelieu, il disait, à propos de ce système de persécution, suivi sans relâche depuis 1814 " Je suis comme le granit on peut me briser, mais on ne me plie pas ". Dans le fait ce prêtre révolutionnaire avait bien peu plié sous l'Empire, mais en somme, s’il s'était tu le plus souvent, dans le fond il n avait pas cédé, et c'est sans exagération que M. Michelet a pu l’appeler " Tête de Fer ".

            Le ministère était parvenu à faire annuler son élection par la Chambre, à le faire rejeter comme indigne. Le mot est resté historique; mais il a été retourné par l’opinion publique contre ceux qui avaient rendu cet arrêt. Il avait été éliminé de 1’Institut par ordonnance royale. En 1822 il renonça au titre de commandeur de la Légion d’honneur, qu’il tenait de l’Empire, et dont une ordonnance exigeait le renouvellement.

              Durant les années qui suivirent, il vécu au milieu d’un cercle d’amis singulièrement restreint de jour en jour par la pusillanimité, la crainte de déplaire aux puissants. Jusqu'à ses derniers moments il s occupa avec son activité habituelle d’études et de travaux littéraires, en outre une correspondance immense et ne cessant une seule minute de s’intéresser au progrès des lumières et à la marche des idées.

A son lit de mort il donna encore des preuves de son indomptables fermeté. Sentant sa fin prochaine, il demanda les secours de la religion, à laquelle il restait attaché avec ferveur. L'archevêque de Paris y mit pour condition sa renonciation au serment qu'il avait prêté à la constitution civile du clergé. Sur ce point Grégoire était intraitable ; il refusa opiniâtrement. Néanmoins malgré les ordres supérieurs un abbé Guillon lui administra les derniers sacrements. L’autorité ecclésiastique ferma l’église à ses dépouilles mortelles, pendant que les journaux royaliste et soi-disant religieux publiaient contre l’illustre mort les articles les plus odieux ...

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